mardi 18 mai 2010

Marathon du Mont St Michel - Compte-Rendu de Jean-Daniel

Un premier marathon

S’engager sur une épreuve comme celle-ci relève soit du défi, soit de la folie, soit de la contrainte.

N’étant ni fou ni téméraire, c’est indubitablement sous la contrainte que je me suis lancé dans cette entreprise. Mon coach, non content de m’avoir torturé tout l’hiver sur les cross m’a imposé de m’aligner au départ du Mont Saint Michel.

Inquiet, je tentai bien de parlementer pour l’en dissuader mais rien n’y fit et nous dûmes nous résoudre à partager cette aventure.

42.195 km, quelle drôle de distance ? En fait, lors des premiers JO de l’ère moderne, l’épreuve était disputée sur 40 km. Mais alors, pourquoi avoir ajouté ces 2.195 km si difficiles ? 40 suffisaient largement. On doit cela à ces maudits anglais qui, en 1908, n’ont rien trouvé de mieux que de vouloir relier le « Great Park » de Windsor et le « White City Stadium » de Londres séparés de 42.195 km. Merci à eux !!!

Je digresse, comme pour mieux échapper à cette fameuse préparation qui désormais m’attendait : 8 semaines…
- 8 semaines de séances alternées (VMA, Régés, allures variées, sorties longues)
- 8 semaines d’interrogations (comment concilier travail, entraînement, vie de famille ? Comment s’alimenter ? Vais-je pouvoir tenir la distance ?)
- 8 semaines de doutes (des coups de fatigues, des séances catastrophiques, une météo capricieuse)
- 8 semaines de partage et de soutien (ma famille réconfortante, les copains du club encourageants et mon coach bienveillant)

Et enfin, le jour J : dimanche 9 mai 2010.

Ce soir, tel Phillipidès, je franchirai la ligne d’arrivée du marathon… ou pas !!! (foutus doutes). J’espère surtout ne pas finir comme lui. Quoiqu’il arrive, la chaleur écrasante qu’il avait, semble-t-il, connu à l’époque n’est pas au rendez-vous du jour.

Cà y est, je digresse à nouveau, ai-je vraiment envie de prendre le départ ?

Assurément oui, la tyrannie de mon coach aura eu raison de mon entêtement et ce matin en me réveillant, il n’est quand même que 4h45, je suis prêt, confiant et heureux. J’ai plutôt bien dormi.

7h30 : je quitte Sandrine et je cours vers mon destin… Non, juste vers Bruno, Christophe, Dédé et Pierre qui m’attendent sur le port.

Dehors la température est idéale mais le vent est fort et surtout mal orienté. Ce n’est pas de chance, ce satané vent a 4 possibilités de se balader et aujourd’hui, juste pour nous contrarier, il a choisi la plus mauvaise !!!


L’ambiance est particulière et l’effervescence du port de la Houle est impressionnante, la tension est palpable. Bruno nous fera très justement remarquer les sourires crispés, les blagues plus rares et la concentration qui domine le peloton. Nous sommes à l’aube d’un jour nouveau. Demain, nous serons marathoniens… ou pas !!!


8h15 : il faut rentrer dans les sas. Il y a déjà beaucoup de monde, on se faufile par-dessus les barrières entre la flamme des 3h00 et celle des 3h15. C’est l’heure de quitter Bruno. Désormais, après 8 semaines de soutien, nous allons devoir nous débrouiller seuls, il ne sera plus là pour nous rassurer, nous encourager, nous maîtriser. Les consignes sont intégrées ou notées (sur la main ou le papier). On ne sait jamais, un cerveau mal irrigué, une mémoire qui flanche…

Au loin on aperçoit le Mont, dans la brume matinale et plus proche de nous l’arche de Noé… Non, l’arche de départ et la fameuse côte qui doit nous conduire sur les hauteurs de Cancale.

Les sacs poubelles et les t-shirts volent, la chaleur et la pression montent. Nous sommes tous les 3, Pierre, Christophe et moi, on ne parle pas beaucoup, serions-nous contractés ?

Le volume musical augmente, le brouhaha des conversations diminue, le speaker annonce le départ dans une minute, le tampon entre le sas privilège et les autres est ouvert, nous avançons alors de quelques mètres vers le Mont.

Attention, 5, 4, 3, 2, 1, top… C’est parti pour la grande aventure. Nous n’étions pas mal placés et le départ est assez fluide. Nous attaquons tous les 3 la côte prudemment, en veillant à ne pas dépasser le plan de vol. Au ¾ de la côte, Christophe nous souhaite « bon vent ». Quel humour ce Christophe !!!


Au ravitaillement du 5ème, Pierre s’arrête et je le perds définitivement.
Dès lors, je serai seul les cheveux au vent, arcbouté face aux éléments !
Luttant contre le vent et le Mont se rapprochant doucement.

Le Mont, tout aussi mythique que le marathon. Merveille de l’occident, il se dresse au cœur d’une immense baie envahie par les plus grandes marées d’Europe. C’est à la demande de l’Archange Michel, « chef des milices célestes », qu’Aubert, évêque d’Avranches, y construisit et consacra une première église le 16 octobre 709.

Cette minute culturelle vous aura été offerte par l’Office d u Tourisme du Mont Saint Michel.

Je serai seul, disais-je, enchainant les kilomètres en surveillant ma FC. Les consignes de mon seigneur et maître étaient limpides mais strictes (1er kilo 160, 3ème kilo 163, 10ème kilo 168, semi 170, 30ème kilo 173, ensuite, que Dieu te garde !!!). Il y a constamment du monde autour de moi, les jambes vont bien, la tête aussi, pas d’affolement pour autant, la route est longue. Avec ce vent, l’objectif est maintenant de finir et si possible en forme. Je suis toujours en avance par rapport à la flamme des 3h15 et dans les temps approximatifs d’un 3h10. Si la FC ne dérive pas et que les jambes suivent, ça devrait aller.

Le semi est passé en 1h35’55’’, c’est fichu pour les 3h10 mais ce n’est pas grave. Je repense alors à Liffré où, à ce moment précis, la course était finie. Je me rappelle ainsi le discours des anciens et je réalise que la course commence vraiment. Il va donc falloir désormais lutter contre le vent mais aussi contre la fatigue, les doutes et je ne sais quels autres démons… J’en appelle à l’Archange Michel pour qu’il m’aide si je venais à défaillir !!!

Au 25ème kilo, je me retrouve derrière un gars d’Arras, soutenu par un copain qui l’encourage et lui dit de m’attendre ainsi que 2 ou 3 autres gars, à la queue leu leu. On va, à priori rentrer dans le dur sur 10 kilomètres et il serait donc plus judicieux de rester « groupir ».

Nous voilà donc un petit groupe de 5 et je vais mener l’allure avec Xavier, un gars du club « Courir au Coglais ». On va petit à petit lâcher le groupe et se retrouver tous les 2. Je vais le perdre au ravitaillement du 29 et je me retrouve isolé. Je me sens bien mais je voyais qu’on avançait pas mal ensemble. Il finira par me rejoindre et nous allons effectuer encore 2 kilos côte à côte en ramassant pas mal de monde, les organismes commencent à souffrir et je finis moi aussi par lâcher prise dans le 32ème kilo. Je m’accroche, j’avale mon gel de glucose et je ne pense plus qu’au 35ème où je sais qu’il y aura Sandrine, Françoise, Martine et mon tyran préféré.

Soudain, perchée sur une butte, je distingue enfin Sandrine à 300m environ et puis tout le monde, c’est bon, ils ne m’ont pas encore repéré et ils m’aperçoivent enfin, c’est l’explosion : Martine hurle « allez Jean-Daniel, t’es le meilleur ». Sandrine et Françoise, plus réservées, m’encouragent toutefois chaleureusement et Bruno… Bruno, j’ai bien cru qu’en descendant de sa petite colline, il allait me sauter dans les bras, il a hurlé quelque chose du genre « mais qu’est ce qu’il nous fait là, c’est énorme, c’est moi qui l’entraine, c’est énorme !!! ».


A ce moment précis de la course, après avoir contenu mes larmes, j’étais sûr qu’il ne pouvait plus rien m’arriver, j’étais invincible et CHESERET n’avait qu’a bien se tenir, je me lançais à sa poursuite. Gonflé à bloc, je relançais la machine mais ce bonheur et cette fougue furent malheureusement de courte durée car je rentrai à nouveau dans le dur au milieu du 38ème. Au passage à Beauvoir, les encouragements de Cédric et Boris n’y changeront rien, c’est le coup de bambou !!! Les 39ème et 40ème kilos seront les pires de tous car je sens mes forces m’abandonner, le Mont est là pourtant, énorme, face à moi, je pourrai presque le toucher et il reste malgré tout 4 kilomètres, interminable, inaccessible !!!

J’englouti mon dernier gel « coup de fouet », je l’espère efficace car j’en ai bien besoin. J’entends le public qui, apercevant la flamme des 3h15 dit : « tiens, le ballon des 3h15 ». Je n’ose pas me retourner, je ne suis certainement pas dans l’allure et ils vont me dévorer tout cru. Je maudis les spectateurs, allez, je me retourne. Ahhhh !!! horreur, ils sont là, tout proche, à peine à 80m. Allez, j’accélère… 3 secondes et je relâche, le coup de fouet n’a pas fonctionné et le groupe des 3h15 est déjà à ma hauteur, je les regarde passer sans pouvoir rien faire, j’ai envie de pleurer, c’est dur, ils me déposent littéralement sur place, 10m, 20m, 30m, 40m, …

Oh Jean-Daniel !!! Réveille-toi, le Mont est là, il faut finir, redresse-toi, écoute la clameur, les gens qui applaudissent la JA, Melesse.

Cà y est, le coup de fouet et la fierté de porter les couleurs de la JA me revigorent et j’accélère à nouveau. 41ème … Plus qu’un, c’est magique, je suis à nouveau bien, je ramasse à nouveau du monde et je profite au maximum de cette arrivée au Mont, il y a du soleil, il fait bon, je ne sens plus le vent, c’est magnifique… Le tapis rouge se déroule sous mes pieds et je passe la ligne en 3h16’26’’. J’ai envie de hurler, j’ai une banane jusqu’aux oreilles. Je suis Marathonien.

Merci à Sandrine de m’avoir supporté pendant 8 semaines à me lever marathon, manger marathon, me coucher marathon et parler marathon.

Merci à tous les copains du club pour leurs conseils et leurs soutiens quand c’était dur et que j’en bavais à l’entraînement. Ils se reconnaîtront.

Merci à mon coach, Bruno, sans qui je n’aurai jamais vécu cette épreuve magique. Courir un marathon ne ressemble à aucune autre course, c’est fondamentalement différent. Je n’oublierai jamais ces merveilleux moments de course et cette arrivée à aucune autre pareille. Merci pour tes conseils, merci pour ta préparation au millimètre, à la pulse ou à la seconde, je ne sais pas mais merci pour ta disponibilité et ton attention. Chapeau pour ton dévouement !!!

Merci enfin à mes enfants pour leur accueil triomphal au son d’ « eye of the tiger » avec banderoles et pétales de fleurs. « Veni, Vidi, Vici » avaient-ils marqué et « la force était avec toi ». Cette force, c’est sans aucun doute auprès de vous que je la puise. Merci à vous 2.

8 commentaires:

charlie le hoangan a dit…

bienvenu au club jidaille !
hein que c'est beau ?
bruno peut-être fier de son boulot et de son poulain !

PATRICK B a dit…

BRAVO JEAN DANIEL, 3h16 c'est très bien pour un premier marathon et je sens que le mur des 3h n'est pas si loin.
bravo aussi à bruno pour le programme et felicitations à sandrine pour avoir supporter l'humeur et les angoisses parfois d'un marathonien en devenir
bonne récupération
patrick

Pierrekiroule a dit…

Bravo JD ! c'est beau un premier marathon, les suivants aussi t'inquiètes pas. Mais le premier a une saveur particulière.
Je finis une bonne minute derrière toi et je peux confirmer que ce vent a été dur, c'est une belle perf qui en fait entrevoir de plus belles.
A+, sur la piste.
Pierrot

Philippe L. a dit…

Mille bravos Jean Daniel ! Pour une première c'est une super perf et ton CR démontre bien que le Marathon est une course hors du commun. J'en profite pour féliciter Bruno pour la qualité de ses conseils et la passion qui l'anime !

marina a dit…

Arf, magnifique CR pour une magnifique course... ça donne envie presque ;o)
Bravo et savoure pleinement, tu peux être fier de toi
Bisous

Benoit a dit…

Merci Jean-Daniel pour ce super compte-rendu ! Belle course, et beau texte.
Bravo au coach également, qui a raison d'être fier de son élève...

Jean Lou a dit…

Félicitations JD et bravo au coach.
Avec ton compte rendu, tu m'as tiré les larmes !!!
Vivement que je revive toutes ses sensations.
Très beau travail sur la route et sur la feuille.
Bienvenu au nouveau marathonien et bon vent

Bénédicte a dit…

Je ne viens de lire ton CR qu'aujourd'hui. Un marathon est une épreuve je trouve extraordinaire.
Bravo ! Mille bravo ! J'adore lire tous les CR qui donnent envie (d'en relire).
Rdv au prochain.